La « souveraineté », le mot est beau, régulièrement relayé par l’actualité. C’est un concept essentiel pour la sécurité et l’économie nationale et européenne.

Dans nos lectures, dans nos échanges, les mots ‘souveraineté’ et ‘indépendance’ sont souvent associés : « j’utilise une solution souveraine donc je suis indépendant » ou « je vais être indépendant, je vais utiliser une solution souveraine », « je veux ma solution indépendante, je veux être souverain ».

S’ils ne sont pas sans relation évidente, ces mots ne sont pas non plus équivalents.

On peut utiliser une solution souveraine et ne pas être indépendant sans que cela ne pose de problème de fond.

OVH Cloud cherche, avec QWANT, à proposer une solution souveraine alternative à Bing, Google Search, etc. Si cette solution est utilisée dans une entreprise, cette dernière n’est pas pour autant indépendante : elle reste tributaire de la solution d’OVH, même si elle est indépendante face à des solutions concurrentes américaines ou asiatiques.

Pour l’entreprise française utilisatrice, ce n’est donc pas un problème mais on voit ici que souveraineté et indépendance ne sont pas synonymes.

Il en est de même en téléphonie. Un opérateur peut revendiquer utiliser une solution souveraine (comme ComMeeTT) sans pour autant avoir besoin de sa propre solution dans son datacenter, pour « maîtriser la chaîne de bout en bout ».
C’est parfois même un contresens économique ou industriel. Qui va refaire un Google Search dans son infrastructure sous couvert d’avoir sa propre solution indépendante ?

Pourquoi serait-ce un contresens économique ? d’abord parce que gérer, mettre au point, maintenir, suivre la législation et faire évoluer une solution souveraine a un coût (si ce n’était pas le cas, les solutions « sur étagère » seraient pléthoriques). Or ce coût n’est pas toujours en adéquation avec le potentiel commercial de tout le monde : un opérateur qui, par exemple, gère 1000 ou 2000 lignes téléphonique ne va pas pouvoir supporter ces coûts.

Pourquoi un contresens industriel ? Pour revendiquer l’indépendance et la souveraineté, il n’est pas rare de voir des sociétés qui tranchent fortement et qui entrent franchement dans le compromis, parfois sans avoir conscience des risques liés à ces compromis. En téléphonie, nous observons que des acteurs mettent en place des plateformes dites ‘opérateur’, indépendantes et plus ou moins souveraines (IPBX multi-tenant chinois). Cela est tentant, la complexité est raisonnable, ça « tourne ».

D’un point de vue opérateur téléphonique, il faut être franc, cela se rapporte souvent à du « bricolage », c’est rarement résistant aux pannes et, quoi qu’il en soit, quasiment jamais en adéquation avec les exigences de qualité nécessaire à une solution de téléphonie de classe opérateur. La plupart du temps il s’agit d’un IPBX posé dans un rack, avec une sauvegarde (ou non). Quand le travail est un peu plus qualitatif, on peut trouver un SBC devant. Qu’en est-il de la redondance, de la scalabilité, de la répartition de charge sur différents ponts d’accès en cas de coupure d’un point et de la maîtrise technique ?

Comme en France nous laissons volontiers à des sociétés spécialisées, le soin de nous proposer des solutions souveraines pour des sujets comme les moteurs de recherche, peut-être serait-il raisonnable de laisser la téléphonie à des sociétés expertes du domaine ?

Le besoin de souveraineté ne devrait plus faire débat.

L’indépendance est à considérer plus précisément, en fonction de la taille du marché potentiel, de l’investissement financier et humain, de l’expertise nécessaire en regard de la complexité du sujet et des risques portés sur l’activité visée.

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